Source: Dahl, 1994-A
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1994 : La ville vue comme un laboratoire par l’avant-gardeAu courant des années 90, l’architecte et professeur Knut Eirik Dahl, par son exposé controversé du Jeu de Tromsø cherche à ouvrir la porte à de nouvelles idées innovatrices pour développer des zones insoupçonnées de la ville par l’expérimentation. Lors de l’exercice, l’architecte compare notamment le grand parc central de la ville de Tromso à Central Park dans son expérience Manhattan transfert, déstabilisant l’image de nature en ville en soulignant que cette aire verte est plutôt devenue un parc urbain (Dahl, 1994-A).
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2000-2005 : La montée des critiques face au développement compact du centre-villeAfin de créer une ville compacte suivant les objectifs du développement durable, une grande partie du centre-ville a été définie comme « zone de transformation » peu limitée règlementairement pour favoriser la densification plutôt que l’étalement urbain depuis les années 1990. Ce laxisme législatif a donné lieu à un centre-ville où des bâtiments patrimoniaux côtoient des bâtiments contemporains dans le même quartier, entrainant en une image hybride. En l’absence de plan d’urbanisme pour le centre-ville et sans participation citoyenne dans le processus de planification du nouveau plan, de nombreuses critiques se sont élevées. Elles se sont polarisées en deux camps : d’un côté les « conservationistes » qui privilégient la protection de la forme et du style du centre-ville et de l’autre les « urbanistes » qui défendent une architecture moderne de plus forte densité
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Source: Flickr Municipality of Tromsø
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2005 : L’année de développement de la villeAu moment de l’adoption officielle du plan d’urbanisme de la ville, le débat faisait rage lors de la consultation publique. Le plan axé sur les compromis, sans réelle ambition, ne ralliait aucun des camps et ne répondait pas aux questions plus larges soulevées par les intervenants; à savoir quelle vision et quelles valeurs doivent guider le développement de la ville. Les autorités municipales ont donc choisi d’instaurer un moratoire d’un an pour réfléchir de manière plus large à l’avenir de la ville par l’entremise d’un comité indépendant du gouvernement local et des autorités urbanistiques. Le temps mort permet alors de passer d’un modèle de planification figé à un modèle fluide et plus transparent.
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Processus participatif
« The new definition of citizenship gaining currency is that based on the premise offered by Artistotle: that humans beings are by nature social and political animals, and that we cannot be fullfilled unless we are present in the public sphere of society. On the one hand it is argued that citizens should be present in all decision-making instances, on the other, it is acknowledged that citizens are active in a multitude of civic associations large and small which contribute to the wellbeing of community. » (ROUSSOPOULOS, 2005)
Le processus participatif peut se décrire comme un échange d’informations et d’opinions sur un sujet donné dans un cadre établi. On y promeut la mise en commun, le dialogue et le travail collectif pour atteindre une solution. Les relations y sont peu hiérarchisées et permettent à chacun de s’exprimer. (Douay, Prévot, 2015)
Selon Scguler (1996), pour être efficace, le processus de participation est tenu de répondre à plusieurs critères. Tout d’abord, il doit s’ancrer dans la communauté touchée et impliquer le maximum de personnes possible. Il se base sur la contribution volontaire des participants, et tous sont acceptés. Le processus doit aussi faire preuve de réciprocité, c’est-à-dire que les intervenants doivent à la fois prendre et donner de l’information et des opinions. Ensuite, un tel processus est obligatoirement être gratuit et facilement accessible, dans un but d’universalité. Finalement, la plateforme d’échange doit être modifiable, pour avoir la possibilité de s’adapter au développement des idées
Selon Scguler (1996), pour être efficace, le processus de participation est tenu de répondre à plusieurs critères. Tout d’abord, il doit s’ancrer dans la communauté touchée et impliquer le maximum de personnes possible. Il se base sur la contribution volontaire des participants, et tous sont acceptés. Le processus doit aussi faire preuve de réciprocité, c’est-à-dire que les intervenants doivent à la fois prendre et donner de l’information et des opinions. Ensuite, un tel processus est obligatoirement être gratuit et facilement accessible, dans un but d’universalité. Finalement, la plateforme d’échange doit être modifiable, pour avoir la possibilité de s’adapter au développement des idées
Le processus participatif de l’Expérimentation de Tromsø s’est produit en deux temps; tout d’abord une analyse de la situation actuelle avec la population, puis une investigation sur le potentiel à venir de la ville.
Phase 1: Promenades urbaines narréesLors de la première phase, le but était d’informer la population sur le contexte actuel, pour mettre de l’avant les processus de transformation auxquels est exposé chaque quartier, par exemple les secteurs susceptibles de s’embourgeoiser. Pour ce faire, les intentions derrière la panification urbaine ont fait l’objet d’un processus de vulgarisation auprès des citoyens, en faisant ressortir notamment l’évolution de la forme urbaine et la signification sociale de chaque lieu. Dans cette optique, des promenades urbaines narrées permettaient de voir, entre autres, l’évolution des cours arrière des bâtiments patrimoniaux du centre-ville, normalement inaccessible au public.
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Phase 2: Tromsø X-files
Afin d’entamer la réflexion vers l’avenir de la ville, les architectes et promoteurs furent invités à mettre carte sur table et à exposer leurs projets en cours n’ayant pas encore été présentés au public, même s’ils n’en étaient qu’à une étape préliminaire. L’exposition, intitulée les « Tromsø X-files », a permis de créer un lieu d’échange innovateur sur l’avenir des différents quartiers qui interpelle des populations normalement peu propices à s’impliquer dans la planification urbaine (Nyseth, 2011). La discussion s’est ensuite poursuivie lors de séminaires, de conférences et de groupes de discussion. |
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Phénomène de gouvernance
On peut définir la gouvernance comme étant le fractionnement du pouvoir de l’état pour le redistribuer à différents acteurs. Ce phénomène a d’abord surgi en économie, au niveau de la gestion des entreprises, pour par la suite faire sa place en politique. L’objectif de la gouvernance est avant tout d’accroitre l’efficacité d’un processus, même si, bien souvent, on l’associe aussi à une gestion plus démocratique. Il est effectivement possible que ce soit le cas, mais cette caractéristique n’en fait pas nécessairement partie. (Aarsaether, Nyseth et Bjørnå, 2011) Il faut savoir qu’avec la gouvernance, les gouvernements ne se libèrent pas de leurs responsabilités. Celles-ci se transforment en une gestion moins directe, mais plus complexe.
On peut parler de gouvernance dans le cas de l’Année du développement de la ville, puisque la municipalité a choisi de laisser l’organisation des consultations à des comités indépendants, sans s’en mêler directement. Ceux-ci étaient formés de chercheurs, consultants en urbanisme et architectes et designers, mais indépendants du gouvernement local et des autorités urbanistiques.
Aarsaether, Nyseth et Bjørnå (2011) ont déterminé trois critères qui permettent d’évaluer la pertinence d’un système de gouvernance : la représentativité des membres (stakeholder representativeness), la participation citoyenne (citizen involvement) et la transparence (transparency). Pour le premier critère, on peut dire que les membres du comité étaient assez représentatifs du milieu, étant des professionnels de l’aménagement et de la planification urbaine. Par contre, l’absence d’élu municipal est une lacune dans la composition de l’équipe. Le critère de participation citoyenne est quant à lui une réussite totale. Des gens de tous horizons se sont exprimés et ont participé aux diverses activités organisées. La transparence du processus a aussi été respectée. Les différentes étapes, les objectifs ainsi que les retombées ont été clairement expliqués aux citoyens.
On peut parler de gouvernance dans le cas de l’Année du développement de la ville, puisque la municipalité a choisi de laisser l’organisation des consultations à des comités indépendants, sans s’en mêler directement. Ceux-ci étaient formés de chercheurs, consultants en urbanisme et architectes et designers, mais indépendants du gouvernement local et des autorités urbanistiques.
Aarsaether, Nyseth et Bjørnå (2011) ont déterminé trois critères qui permettent d’évaluer la pertinence d’un système de gouvernance : la représentativité des membres (stakeholder representativeness), la participation citoyenne (citizen involvement) et la transparence (transparency). Pour le premier critère, on peut dire que les membres du comité étaient assez représentatifs du milieu, étant des professionnels de l’aménagement et de la planification urbaine. Par contre, l’absence d’élu municipal est une lacune dans la composition de l’équipe. Le critère de participation citoyenne est quant à lui une réussite totale. Des gens de tous horizons se sont exprimés et ont participé aux diverses activités organisées. La transparence du processus a aussi été respectée. Les différentes étapes, les objectifs ainsi que les retombées ont été clairement expliqués aux citoyens.
Bilan de l’année de développement de la villeL’année de développement de la ville a permis de créer un réseau d’échange fluide entre des intervenants de différents milieux qui ne se côtoient pas lors de la planification traditionnelle. En effet, selon Nyseth (2011), trois facteurs ont permis l’implication de nouveaux intervenants; l’accès aux informations qui guide la planification, l’opportunité de s’engager dans le dialogue et une invitation active de la population par l’entremise des débats stimulants et d’une transparence du processus, notamment lors des Tromsø X-files.
Ce processus a également renversé la vapeur auprès des citoyens qui critiquaient la densification massive du centre-ville. Les nombreux processus visant à la vulgarisation des intentions derrière la planification urbaine ont à la fois favorisé une meilleure compréhension des enjeux par le public et une meilleure acceptabilité liée au sentiment d’avoir son mot à dire. Cependant, à l’issue de l’Année de développement de la ville, le comité a remis un rapport qui s’est peu traduit dans le plan d’urbanisme adopté l’année suivante, somme toute assez standard. Le temps mort a été une période inspirante et créative, mais n’a pas mené à des changements institutionnels. |
Théorie de l'agir communicationnel
Source: J.Habermas, 1981 |
Nyerges (2005) élabore un classement des niveaux de participation dans les processus participatifs.
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Bien que l’indépendance du comité favorise l’émergence d’un débat fluide, l’absence d’implication des élus et des autorités municipales semble avoir miné la mise en application des idées générées. Le comité était tout à fait indépendant de la ville, probablement trop. De plus, la grande variabilité des opinions émises lors d’un tel processus participatif aboutit difficilement en un discours rassembleur propice à être récupéré par les autorités.
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2011-2015: Processus de participation en ligne
Le monde virtuel prend de plus en plus d’ampleur et permet aujourd’hui de soutenir les consultations publiques. En effet, puisque la participation est un élément intrinsèque essentiel à la culture numérique, les plateformes en ligne sont toutes indiquées pour ce genre de projets. Le web 2.0 offre de nombreuses possibilités de contenu dynamique, ce qui rend possibles des plateformes de consultation. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) permettent de simplifier les processus participatifs. Ils éliminent les barrières spatio-temporelles de la communication et permettent les relations asynchrones. Celles-ci minimisent la tâche d’organisation et les coûts. (Mitchell, 2000)
Évidemment, la participation en ligne fait participer plus de gens que dans un processus de consultation traditionnel. Le public y participant est plus diversifié et on remarque la présence de certains groupes sous-représentés dans les consultations traditionnelles, notamment les jeunes. (Niquet, 2008) Par contre, on voit aussi des injustices dans l’utilisation des plateformes, entre autres en raison des niveaux de capacité des participants à utiliser ces plateformes web. (Douay, Prévot, 2015) Il est donc essentiel de simplifier les démarches à accomplir par les participants, pour s’assurer d’un accès le plus universel possible.
Selon Bosworth, Donovan et Couey (2002), on peut classer les citoyens en quatre niveaux de participation. Le premier palier correspond aux citoyens qui ne démontrent aucun intérêt et qui ne participent pas au débat. Le deuxième niveau est celui des gens qui s’informent, sans toutefois participer directement. Le troisième regroupe les gens qui contribuent modérément, en répondant à des consultations, des sondages, etc. On retrouve dans le quatrième et dernier palier, les citoyens qui influencent activement les décideurs, en prenant part aux discussions sur l’avenir et la planification. Alors que les deux niveaux supérieurs contribuent déjà, chacun à sa façon, les plateformes de consultation en ligne tentent surtout de rallier les gens du deuxième niveau, qui sont intéressés sans toutefois participer en temps normal.
« On dit que généralement, 90 % des gens participent passivement, 9 % contribuent un peu, et 1 % font la plus grande partie du travail. » (Niquet, 2008) Le 90 % que représentent les gens passifs contient un énorme potentiel, si on réussit à les faire participer. Les plateformes en ligne, par leur facilité d’utilisation, leur anonymat et leur flexibilité offre la possibilité de faire contribuer massivement cette tranche de la population, normalement peu entendue.
Évidemment, la participation en ligne fait participer plus de gens que dans un processus de consultation traditionnel. Le public y participant est plus diversifié et on remarque la présence de certains groupes sous-représentés dans les consultations traditionnelles, notamment les jeunes. (Niquet, 2008) Par contre, on voit aussi des injustices dans l’utilisation des plateformes, entre autres en raison des niveaux de capacité des participants à utiliser ces plateformes web. (Douay, Prévot, 2015) Il est donc essentiel de simplifier les démarches à accomplir par les participants, pour s’assurer d’un accès le plus universel possible.
Selon Bosworth, Donovan et Couey (2002), on peut classer les citoyens en quatre niveaux de participation. Le premier palier correspond aux citoyens qui ne démontrent aucun intérêt et qui ne participent pas au débat. Le deuxième niveau est celui des gens qui s’informent, sans toutefois participer directement. Le troisième regroupe les gens qui contribuent modérément, en répondant à des consultations, des sondages, etc. On retrouve dans le quatrième et dernier palier, les citoyens qui influencent activement les décideurs, en prenant part aux discussions sur l’avenir et la planification. Alors que les deux niveaux supérieurs contribuent déjà, chacun à sa façon, les plateformes de consultation en ligne tentent surtout de rallier les gens du deuxième niveau, qui sont intéressés sans toutefois participer en temps normal.
« On dit que généralement, 90 % des gens participent passivement, 9 % contribuent un peu, et 1 % font la plus grande partie du travail. » (Niquet, 2008) Le 90 % que représentent les gens passifs contient un énorme potentiel, si on réussit à les faire participer. Les plateformes en ligne, par leur facilité d’utilisation, leur anonymat et leur flexibilité offre la possibilité de faire contribuer massivement cette tranche de la population, normalement peu entendue.
Dans la foulée de l’Année de développement de la ville, la commune de Tromsø a entamé un processus de participatif intitulé Où va Tromsø? de 2011 à 2015. Ce processus basé principalement sur la consultation en ligne s’est déroulé en trois phases. Les deux premières phases visaient à informer la population sur l’histoire de l’évolution de la ville et sur les enjeux actuels employant des représentations graphiques vulgarisées, notamment des bandes dessinées en isométrie illustrant les différents secteurs. La troisième phase s’achevant en 2015 s’est produite sur la plateforme virtuelle MyCity. Les citoyens pouvaient émettre des opinions sur le développement de différents secteurs de la ville et sur les propositions du plan d’ensemble ainsi que commenter et voter pour leurs propositions préférées. La plateforme permettait également à la municipalité d’interagir avec les citoyens. Les différents commentaires ont ensuite été analysés par la ville et certains ont été intégrés dans le nouveau plan d’ensemble. Cependant, la traduction des volontés de la population dans le plan d’ensemble est difficile à cerner, l’expérience étant au final à mi-chemin entre un exercice de consultation et une réelle implication avec des citoyens ayant des retombées tangibles.
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Source: Tromsø Kommune, 2013
La fluidité dans le processus de planification urbaine.Inspiré de Nyseth 2011
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Selon Nyseth (2012), la fluidité en planification urbaine permet d’ouvrir la porte à davantage de flexibilité et d’ouverture et d’apporter de nouvelles idées. Cependant, l’instabilité est inhérente à un tel processus fluide et peut mener à des situations chaotiques sans gouvernance. Le processus purement fluide est de ce fait difficile à rattacher à des mesures législatives cohérentes, sans retourner à un processus figé traditionnel. La fluidité complète, qui peut s’ouvrir à l’incertitude comme lors de l’année de développement de la ville, semble alors être un modèle peu propice à être maintenu à long terme. Une planification urbaine à mi-chemin entre processus fluide et figé semble donc être l’avenue choisie par les autorités municipales entre 2011 et 2015. Il est cependant trop tôt pour dire si ce processus donne une meilleure tribune aux idées des citoyens, considérant que la municipalité joue le rôle de médiateur entre les différentes opinions exposées et conserve la possibilité ne pas tenir compte des commentaires des citoyens.
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